Rapport de la Commission consultative de l’enseignement privé – Faits saillants

La Commission consultative de l’enseignement privé a livré son rapport sur les avis qu’elle a transmis au ministre au cours de l’année 2011-2012.  Pour moi, mais aussi pour plusieurs autres membres de l’équipe de direction d’un collège privé au Québec, c’est l’un des événements les plus importants qui survient en cours d’année.  Le mot «événement», qui en français est réservé aux activités dont le rayonnement est exceptionnel, n’est pas exagéré.  Si vous faites partie de l’équipe de direction d’un établissement d’enseignement privé, je n’ai pas à vous en convaincre :  il s’agit d’un document où on peut, en quelques lignes, avoir une idée de la situation récente d’un établissement, et savoir comment elle a évolué depuis le dernier avis formulé par la Commission, quelques années auparavant.  On peut savoir si sa populaire scolaire s’accroît ou diminue, et les difficultés que connaît un établissement.  C’est en lisant ce rapport que j’ai appris que certaines écoles étaient bien gérées – en ce sens qu’elle exécutaient toutes les opérations que le ministère attendait d’elles – et que d’autres éprouvaient des difficultés, de nature financière ou davantage techniques, par exemple.  Pour évaluer le positionnement d’un établissement par rapport aux autres, rien de plus utile que ce rapport.  Il permet aussi, quant à son propre établissement, de savoir pourquoi le ministère a renouvelé pour moins de cinq ans le permis qu’il a délivré.

Il est important de garder à l’esprit que la durée pour laquelle un permis est renouvelé, dans le cas d’un établissement non subventionné, est un moyen de mesurer efficacement la bonne gestion d’un établissement privé sous tous ses angles :  gestion financière, population scolaire, conservation de ses ressources humaines (et donc de ses compétences), exécution des tâches administratives.  Un établissement dont le permis est renouvelé pour 3 ans est un établissement qui éprouve quelques difficultés.  Un établissement dont des difficultés déjà observées persistent obtient un permis pour une durée moindre à 3 ans.  C’est un signal clair que le permis risque de ne pas être renouvelé si des améliorations notables ne sont pas apportées.

Je sais que les directeurs d’établissements d’enseignement privé sont avertis de l’utilité de la lecture de ces avis.  Ce n’est pas le cas des directeurs des établissements d’enseignement public, et j’aimerais, dans ce paragraphe, m’adresser à eux.  La plupart d’entre eux, tout d’abord, ne connaît pas l’existence de la Commission consultative de l’enseignement privé.  Il m’est arrivé plus d’une fois, et à ma grande surprise, de découvrir que les directeurs d’établissements publics s’imaginent que les établissements privés sont régis par des règles complètement différentes de leurs établissements.  Il est vrai, dans certaines provinces, dont l’Alberta, que les établissements publics sont régis par certaines règles, alors que établissements d’enseignement privés sont régis par d’autres règles.  Le ministère responsable reconnaît une école privée, qui organise son enseignement comme elle l’entend.  Elle peut fort bien décider d’accorder un crédit par trente heures d’enseignement, ou encore un crédit à toutes les soixante heures, à sa convenance.  Je fais allusion, ici, aux collèges privés d’enseignement professionnel.  Or, au Québec, toutes les écoles sont régies par le même cadre ;  un collège privé délivre des bulletins selon le même guide administratif que les collèges publics, mesure le nombre de crédits de ses programmes de la même façon, conçoit ses programmes selon les mêmes règles, et est soumis aux mêmes exigences quant à la mise en oeuvre d’un programme (je pense, par exemple, à l’obligation des professeurs de remettre un plan de cours aux étudiants en début de cours).  Je crois qu’il s’agit d’un avantage concurrentiel très clair des collèges québécois par rapport aux collèges des autres provinces où ils sont régis par d’autres règles que les collèges publics, puisque les collèges québécois peuvent affirmer qu’ils s’assimilent aux collèges publics dans la mise en oeuvre de leurs programmes (ou services éducatifs, aux ordres d’enseignement du PPS), ce qui suggère habilement que l’écart qui les sépare des collèges publics quant à la qualité de leur enseignement est moindre au Québec que dans les autres provinces du Canada.

Ceci étant dit, place au rapport.  Voilà ce qui retient notre attention.  Je vous livre mes observations sur celui-ci sans détour.

Faits marquants

Quant aux faits marquants du rapport, j’ai noté que la Commission a recommandé à la ministre d’accepter la demande du Collège préuniversitaire Nouvelles-Frontières… d’offrir un programme technique.  C’est le DEC en travail social.  On peut constater, en s’informant sur l’organisme scolaire, que ce programme a été ajouté au permis de l’établissement.  Ceux qui sont intéressés par le contexte de la demande pourront s’informer en lisant l’avis de la Commission sur cette demande.  L’ajout d’un programme technique à un collège notoirement préuniversitaire surprend :  il s’agit d’une réorientation notable.  Je vous invite à prêter attention à l’évolution  de cet établissement.  Ajoutera-t-il des programmes techniques?  Réussira-t-il à modifier sa marque pour y ajouter l’idée, contrairement à son nom, qu’il n’est pas qu’un collège préuniversitaire? Il faut dire qu’il est possible de poursuivre ses études en travail social à l’université…

Parmi les autres faits marquants du rapport, la Commission a recommandé à la ministre de délivrer un permis à trois établissements.  Il est intéressant d’étudier de plus près les organismes qui ont demandé un permis, et auxquels la Commission a recommandé à la ministre d’en  délivrer un.  J’ai pu vérifier que le ministre a suivi la recommandation de la Commission et a délivré un permis dans tous les cas.  Une école est une école du réseau Vision, de l’enseignement préscolaire;  il y a aussi le Collège Canada, qui a déposé une 5e demande, ce qui démontre à quel point ce collège désirait un permis ;  et une école à projet éducatif religieux, dont les cours auront lieu dans une église.  Le ministère a intégré dans le réseau privé plusieurs églises-écoles vers 2006 ;  l’année dernière, une école à projet éducatif religieux avait été ouverte à Saint-Jean.  Une autre est ouverte, cette année, à Sherbrooke.  On constate qu’il y a toujours un intérêt, dans le marché des parents et chez les entrepreneurs, à ouvrir des écoles à projet éducatif religieux.  Chose intéressante, et qui la distingue des autres écoles à projet éducatif religieux, ou encore des églises-écoles à proprement parler :  la nouvelle école sherbrookoise s’adresse à des enfants croyants (je suis porté à douter de la véracité de la croyance des enfants à un âge si tendre, comme leurs capacités ne sont pas développées complètement, et je serai plutôt porté à écrire à des enfants de parents croyants qui tiennent à ce que leurs enfants soient éduqués dans une école ayant un projet éducatif religieux), mais ne leur enseigne pas la religion ;  elle laisse aux parents demander à leur confession d’attache l’enseignement de leur religion à leurs enfants.  C’est la particularité de cette école-là, qui n’utilisera pas le programme d’une église particulière, comme celui de la «School of Tomorrow», ni ne sera une école promouvant une certaine religion tout en adhérant au Programme de formation de l’école québécoise, c’est-à-dire le programme ministériel.

Quant à la nouvelle école Vision, on peut constater qu’il y a une école qui s’ajoute au réseau de temps à autre (et d’autres qui quittent ce réseau) au fil des ans.  Bref, il y a toujours un intérêt pour le «modèle d’affaires» proposé par le franchiseur Vision, tant dans le marché parental que chez les entrepreneurs, bien que ce modèle ait été lancé au début des années 2000.

Quant au Collège Canada, il m’apparaît intéressant de souligner que ce collège a demandé un permis pour offrir un programme d’un autre domaine que celui de la comptabilité.  Plus d’une demande qu’il a déposée portait sur un programme qui développait des compétences dans le domaine de la comptabilité ;  or, il faut constater que, cette fois-ci, ce n’est pas le cas.  Compte tenu que plusieurs collèges de la région où ce nouveau collège est situé – la région métropolitaine – ont retiré leurs programmes d’AEC en comptabilité informatisée (souvent appelés par des noms attrayants tels que «gestion financière informatisée»), le choix de demander un programme d’un autre domaine que celui de la comptabilité s’avère probablement, de ce collège, un choix judicieux, et a sans doute pesé dans la balance quand la ministre a dû prendre une décision.

J’ai aussi l’impression que la Commission a fait preuve d’une plus grande sévérité en ce qui a trait au renouvellement des permis des établissements d’enseignement du PPS.  Si mon impression s’avère juste, j’ignore les raisons de cette plus grande dureté , mais je crois qu’il importe d’en tenir compte si vous comptez acheter ou mettre sur pied une école privée dans le PPS (préscolaire, primaire et secondaire).

Ajout de programmes d’AEC aux collèges privés subventionnés

J’aimerais souligner que le peu de justification en lien avec certaines modifications de permis, surtout en ce qui a trait à l’ajout de programmes d’AEC, est intrigant.  La Commission recommande d’acquiescer à la demande de certains collèges d’ajouter une AEC à leur permis alors qu’ils n’offrent pas le DEC d’origine, alors qu’elle recommande de refuser la modification de permis d’autres collèges d’offrir une AEC alors qu’ils offrent le DEC d’origine.  Bref, ces justifications laissent sur leur faim.

J’ai noté que la Commission a recommandé de refuser une AEC qui n’est que la composante de formation spécifique du DEC.  C’est un choix très judicieux, et que j’approuve, si on me permet d’écrire avec une telle autorité.  AEC et DEC sont des programmes différents, ayant une visée différente, et s’adressant à des clientèles tout aussi différentes.  Plus d’un collège offre des AEC qui ne sont que la formation spécifique d’un DEC.  Il s’agit de faire preuve de rigueur et d’intégrité.  Tant qu’à offrir toute la formation spécifique du DEC, aussi bien offrir le DEC, qui est plus enrichissant par sa composante de formation générale.  Il s’agit de «ne pas faire les choses à moitié», pour ainsi dire.  Et le programme d’AEC restera ce qu’il est :  un programme de perfectionnement.  L’AEC du Collège Bart en marketing des médias sociaux en est un exemple remarquable.

Permis non renouvelé

On peut aussi prendre acte que la commission a recommandé de ne pas renouveler le permis du Collège Harrington.  On apprend, en lisant l’avis de la commission, que cet établissement éprouvait des difficultés sérieuses, et a fait l’objet de plusieurs plaintes, qui étaient justifiées.  On peut constater que l’avis de la Commission consultative sur la demande de cet établissement au collégial est absente du rapport ;  on peut bien concevoir certaines raisons pour lesquelles la commission aurait conseillé à la ministre de ne pas acquiescer à la demande de cet établissement pour le collégial.

Stratégie

La Commission souligne, dans un avis, qu’il est préférable qu’un établissement ne soit pas situé dans un quartier industriel.  La lecture de ce conseil, bien qu’il soit compréhensible et judicieux, m’a amusé, comme plus d’un organisme privé est situé dans un quartier industriel.  Il suffit de penser à l’Institut technique Aviron, par exemple.  Je pense aussi au cégep Marie-Victorin, ancien établissement d’enseignement privé étatisé vers 1993, qui est situé si profondément dans un quartier industriel qu’il devient parfois difficile de l’y trouver.  Je suis persuadé que plus d’une école privée dans le domaine du camionnage est située dans un quartier qui n’est pas d’allure résidentielle, compte tenu des vastes infrastructures nécessaires à la mise en oeuvre d’un tel programme, par exemple, une piste de course.

On peut aussi remarquer, dans plus d’un article, que le ministère semble accorder une plus grande importance au respect des conditions d’admission aux programmes de DEP, comme certains établissements semblent avoir négligé de les respecter.  Si vous dirigez un établissement d’enseignement en formation professionnelle, qu’il soit privé ou public, je vous conseille de vous assurer que les conditions d’admission sont respectées étant donné l’intérêt marqué et la plus grande vigilance dont le ministère semble faire preuve à la lecture de plus d’un avis de ce rapport.  À ce que je sache, rares sont les établissements de la formation professionnelle qui s’assurent de respecter entièrement les conditions d’admission aux programmes de DEP.

Le rapport suggère aussi que la concurrence entre les quelques écoles privées de Longueuil offrant des services éducatifs dans le domaine de la formation générale des adultes est féroce, comme chacune d’entre elle cherche à améliorer ses services pour offrir, elle aussi, de la formation à distance.  Il semble ainsi indispensable, pour tout organisme désirant offrir des services d’éducation des adultes à Longueuil, de les offrir aussi à distance.

Rôle de la Commission

Il faut noter que la Commission a suggéré plus d’une fois d’agréer un nouveau programme au collégial, contrairement à l’avis de la Direction de la gestion de l’offre stratégique de formation.  C’est une autre illustration de cas où la Commission prend des positions qui diffèrent de certaines opinions exprimées par des instances ministérielles, et inversement.

Évolution des réseaux de l’enseignement

On apprend en lisant les avis de la Commission qu’un collège a remis à plus tard l’évaluation de programmes qu’il devait faire, et qui visait tous les collèges privés non subventionnés en 2011-2012.  Selon l’avis qui en fait mention, le collège avait besoin de recul pour mener à bien cette évaluation.  Fait intéressant, l’avis fait mention de ce report sans toutefois y associer quelque connotation négative.  Cela me rappelle les efforts louables qu’a fait le Conseil des collèges non subventionnés pour sensibiliser les instances ministérielles, et d’autres organismes aussi, au peu de ressources dont
disposent les collèges privés, et aux efforts colossaux que des autoévaluations et la production de rapports afférents, peuvent nécessiter.  On m’assurait que ces collèges ne seraient pas écoutés s’ils n’avaient pas de voix ;  on peut constater, à la lecture du même avis, que cette idée, pour ainsi dire, a fait son chemin.  C’est un constat tout à fait réjouissant :  ces collèges, puisqu’ils font partie du réseau collégial et sont régis par le même cadre légal et règlementaire que les autres collèges (hormis qu’ils n’offrent pas de DEC), devraient être traités avec respect et intérêt, au même titre que les autres collèges du réseau.  Il importe que les différents organismes impliqués auprès de ceux-ci tiennent compte des ressources limitées de ces collèges pour pouvoir établir un meilleur dialogue avec eux, ainsi qu’une meilleure collaboration :  tous
y gagneront.

On peut se demander de ce qu’il va advenir des écoles «juives» liées par entente avec le ministère, pour qu’elles se conforment aux exigences ministérielles.  On peut lire souvent que la Commission aurait recommandé, sans cette entente, à la ministre alors en fonction de ne pas renouveler le permis de l’établissement visé.  Il y a fort à parier, cependant, que même sans permis, ces établissements continueront de former des jeunes ;  certains d’entre eux l’ont fait pendant plusieurs années avant d’être «découverts» par le ministère.

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À propos de jphbourdeau

Consultant en enseignement privé au Québec

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