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L’évaluation continue de programmes peut-elle convenir aux collèges privés non subventionnés ?

Je me suis demandé si l’évaluation continue de programmes – dont on parle maintenant dans le réseau collégial – était appropriée pour les CPNS.

Spontanément, d’après ma compréhension de ce qu’est l’évaluation continue, un programme pouvant être évalué par cette approche, c’est un programme qui est…

– offert sur une longue période de temps ;
– sa pérennité n’est pas menacée ;
– qui est établi.

Je crois qu’il faut ces conditions pour qu’une évaluation continue soit utile.  L’évaluation d’un seul élément d’un programme par année suppose que ce programme n’est pas en situation « de vie ou de mort ».

(Je sais que l’évaluation continue prône l’évaluation d’un élément dans tous les programmes, mais si on ne considère qu’un seul programme, il n’en reste pas moins que c’est une seule de ses composantes qui est évaluée.)

Peut-être que je n’arrive pas à exprimer justement ma pensée :  je crois que les CPNS n’offrent pas leurs programmes dans un tel contexte (longue période de temps, pérenne, établi).  Les CPNS – du moins, peu d’entre eux – peuvent se targuer d’être des institutions.  Les traits que j’ai listés caractérisent davantage un programme offert par un grand collège dont on sait qu’il continuera à offrir son programe.  Ce n’est pas un contexte où le collège doit se battre quotidiennement pour assurer la survie du programme – un contexte qui évoque davantage celui des CPNS, à moins que je ne me trompe !

Je pense qu’un CPNS ne peut pas se permettre de n’évaluer qu’un seul élément d’un programme.  Un programme est un ensemble.  Le produit offert au client, c’est un ensemble.  Il faut offrir un « bon » programme.

Je suis cependant persuadé qu’une évaluation en profondeur d’un programme nécessite beaucoup trop de ressources, ou les « immobilise » pour un laps de temps bien trop long, pour un collège privé non subventionné (CPNS).  « Immobiliser » n’est certes pas le bon mot, puisqu’évaluer un programme est une opération essentielle.  Pendant une évaluation en profondeur d’un programme, les ressources qui s’y consacrent ne peuvent s’acquitter d’autres tâches.  Et combien il y a de choses à faire, dans un CPNS !

Entre l’évaluation continue et l’évaluation en profondeur, peut-être les CPNS devraient-ils réfléchir à une troisième voie.

L’évaluation par le suivi d’indicateurs et des interventions ciblées, proposée par le Collège S. Michel dans sa PIEP (voir le rapport de la CEEC à ce sujet) est peut-être un moyen.  Je crois que plusieurs autres CPNS emploient une telle approche, sans la formaliser, ne serait-ce que par nécessité de gestion et de marketing.

Ça rappelle une idée que j’ai déjà eu :  les CPNS devraient se doter de PIGEP, pas de PIEP.

L’utilité d’un manuel de l’employé pour un collège

On a demandé à mon collège de rédiger un manuel de l’employé.  J’ai jugé que la rédaction de ce manuel était une tâche inutile, chronophage.  Aucun collège où j’ai travaillé ne m’a remis de manuel de l’employé.  Le ministère n’exige pas non plus que les collèges aient un manuel de l’employé.  C’est pourquoi j’ai réagi de la sorte, désirant davantage me concentrer sur la réussite des étudiants et l’application des processus propres au collège.  Au fur et à mesure que j’écrivais ce manuel, je me suis rendu compte de son utilité.  La rédaction d’une rubrique me donnait idée d’une autre, et ainsi de suite.  De fil en aiguille, c’est un manuel complet que j’ai rédigé.  Voyez l’utilité d’un tel manuel :  la majorité (c’est un euphémisme pour dire «la totalité» ) des collèges où j’ai travaillé offraient un encadrement très réduit.  On était souvent laissé à soi-même, devant deviner valeurs et procédures propres à l’entreprise, de sorte qu’on intègre plus ou moins bien, qu’on travaille plus ou moins bien, qu’on répond aux attentes plus ou moins bien…  avec les conséquences qui s’en suivent.  Dans ce contexte d’encadrement réduit, où peu de personnes sont disponibles pour nous communiquer certaines informations simples, mais d’une importance cruciale, le manuel de l’employé s’avère d’une grande utilité.  Toutes les entreprises ont des routines, des règles non écrites, des façons de faire, voire des processus ;  leur connaissance est très utile, autant pour exécuter le travail comme tel, que pour démontrer qu’on connaît le collège, éviter de déranger les gens inutilement, etc.

Il y a toujours des choses qu’on oublie de dire quand on embauche un nouvel employé.  Il y a tant de petits détails, et le temps de travail du superviseur pour informer le nouvel employé peut être écourté.  Le manuel assure que toutes les informations pertinentes ont été communiquées au nouvel employé, d’une façon standard, et donc égale, donnant ainsi une chance égale à chacun et à chacune.

Si jamais je venais à changer de collège, je recommanderais à mon nouveau collège de rédiger un manuel de l’employé, tant j’ai pu constater à quel point un tel manuel est utile.

L’idée d’un conseiller aux études

Un entrepreneur en éducation que j’ai rencontré au printemps 2011 était intéressé à l’idée de mettre sur pied un établissement d’enseignement privé collégial.  Soit.  J’ai souligné que le ministère a des attentes par rapport aux collèges privés (notamment le respect du cadre légal et règlementaire applicable), et que les collèges devaient exécuter certaines tâches administratives en lien avec les programmes offerts par le futur collège.  Il m’a demandé combien d’heures un employé devrait y consacrer par semaine.  Je me rappelais mon expérience récente de direction d’un établissement d’enseignement privé collégial et je lui ai répondu «un employé et demi».  Il en a été surpris.  Il faut dire que j’avais à l’époque en tête les processus d’un collège privé qui desservait une clientèle internationale (donc nécessitant beaucoup d’attestations de toutes sortes) et qui produisait tous ses documents à la main, sans automatisation aucune.

Il n’en reste pas moins qu’il faut se demander comment planifier les ressources humaines d’un collège privé et, par extension, de tout établissement de niveau collégial, et veiller à l’optimisation de leur utilisation.  C’est un principe inhérent à toute bonne gestion, et ce n’est pas parce qu’un collège n’est pas «un commerce comme les autres» qu’on doit pour autant déroger aux principes de la bonne gestion.  Un employé et demi pour gérer trente étudiants peut sembler très lourd.  Or, une conversation avec un autre entrepreneur en éducation peut apporter une idée comment concevoir les processus et répartir les tâches entre employés pour optimiser le fonctionnement d’un collège, peu importe sa taille.

Je me suis déjà demandé pourquoi certains collèges tiennent à l’écart leur équipe administrative et la rendent peu accessible.  Je pense, par exemple, à un couloir du cégep Édouard-Montpetit entièrement consacré aux services administratifs, et où les étudiants s’aventurent fort peu, d’autant plus qu’ils y sont rarement convoqués.  J’ai vu un aménagement analogue dans d’autres cégeps, dont le collège Shawinigan.  L’entrepreneur avec lequel je me suis entretenu récemment prône pourtant une organisation semblable à celle des deux cégeps que j’ai nommés.  Il confine les employés du registrariat et de l’organisation scolaire à un rôle de soutien, en restreignant toute communication entre eux et le corps étudiant.  J’entends comme rôle de soutien, par exemple, celui de la production de bulletins, d’horaires, etc.  Les étudiants, quant à eux, ne peuvent être en contact qu’avec un conseiller aux études avec lequel ils discutent de leurs difficultés dans certains cours, de leurs préoccupations en matière d’aide financière, des documents dont ils ont besoin, etc.  Ce rôle est à différencier de celui d’un API dans les collèges publics, comme il m’apparaît plus élargi, touchant à des préoccupations dépassant le cheminement scolaire et l’inscription à des cours à chaque session.  Le conseiller sert par la suite de courroie de transmission, s’il le juge opportun, vers les autres services du collège, dont le registrariat ou le service de l’enseignement.  Les activités du registrariat est régi selon un horaire strict qui prévoit la production de certains documents à des jours prévus :  par exemple, tous les bulletins demandés sont produits le vendredi.  Je me rappelle à quel point, alors que j’agissais aussi en tant que registraire, les requêtes des étudiants et les inquiétudes dont ils me faisaient part perturbaient mon travail.  J’ai déjà lu, dans une offre visant un emploi de registraire, que l’environnement de travail du registrariat est un environnement de production.  Cette qualification peut sembler rébarbative, mais s’avère juste.  Les registrariats doivent produire un grand nombre de documents, et on peut donc assimiler leur ouvrage à celui d’un environnement de production.  Le travail du registrariat est planifié selon un horaire, il y a un grand nombre de documents à produire ;  les étudiants venaient s’y adresser directement comme ils avaient besoin d’un document ou d’un autre, ou encore, ils désiraient retirer un cours de leur inscription, etc.  Les explications parfois longues dérangeaient l’horaire de travail prévu.  Je crois qu’il aurait été beaucoup plus simple si les étudiants auraient pu s’expliquer auprès d’un conseiller qui aurait par la suite acheminé la demande au registrariat.  La décision ayant déjà été prise, le registrariat n’aurait eu qu’à la traiter.

Une telle configuration nécessite un conseiller qui doit être présent aussi longtemps qu’il y a des étudiants, s’ils restent au collège étudier en après-midi, au cas où l’un d’entre eux viendrait lui poser une question.  Tout dépendant du nombre d’étudiants, il est possible que la tâche du conseiller ne soit pas remplie, et il est donc possible de lui confier d’autres tâches.  Puis, tout dépendant de la taille du collège, il faut un registraire ou une équipe au registrariat et à l’organisation scolaire.  il est possible que cette configuration nécessite davantage d’employés qu’un registrariat auquel les étudiants pourraient s’adresser directement.  Il faudrait s’assurer de combler la tâche du conseiller.  Néanmoins, l’idée dont on m’a fait part m’a séduit, parce qu’elle libère le registrariat de l’interaction étudiante, clarifie la tâche du registrariat et confirme son environnement de production.

L’offre de cours gratuits en ligne et autres occasions qui s’offrent aux explorateurs

Les explorateurs sont des gens hardis qui s’aventurent dans des contrées inconnues.  Pourquoi les directeurs d’établissements scolaires, enchaînés dans les mécanismes et procédures que dictent les principes directeurs établis par le ministère, n’agiraient-ils pas à l’image des explorateurs?  Une tendance intéressante que j’ai remarquée aux États-Unis, est celle d’offrir des cours complets en ligne.  Cette idée semble très démocratique ;  surtout, si on oublie la façade politique, c’est un moyen de démontrer la compétence du corps enseignant de l’institution et d’inciter des gens à se joindre aux étudiants de l’institution, alors qu’ils étaient peut-être portés à juger que cela leur était hors portée, notamment à cause de leur condition sociale et économique.  Ce sont surtout les universités, aux États-Unis, qui participent de cette tendance.  Des Québécois enthousiastes, au constat de l’absence des universités dans ce domaine, ont décidé de mettre à la disposition de leurs concitoyens les cours d’entreprises privées.  Soit.  Pourquoi les CEA, CFP et collèges ne seraient-ils pas de la partie?  pensons aux CEA.  L’importance qu’on accorde à l’alphabétisation trouverait aussi un épanchement naturel.  Cela permettrait peut-être même aux CEA d’obtenir des fonds de diverses sources :  je pense à d’autres subventions, notamment.  Certains adultes font preuve d’une détermination et d’une constance consternantes pour un étudiant modèle, et peuvent réussir des cours en étudiant par eux-mêmes ;  les CEA n’auraient plus qu’à administrer des examens pour confirmer la compétence.  Jugez de l’économie de temps et d’argent!  (Les syndicats s’y opposeront peut-être.)  Quant aux CFP, l’offre de cours en ligne rappelle les AEP et leur permettrait d’affirmer davantage leurs créneaux spécifiques.  Il faut dire que le côté pratique si cher à la formation professionnelle ne pourrait s’affirmer dans le cadre d’un cours en ligne.  Il n’en reste pas moins qu’une introduction pourrait intéresser des étudiants et démontrer la compétence des professeurs tout à la fois.  Et les cégeps pourraient trouver une clientèle par l’offre de cours de mise à niveau (secondaire 5, français pour les études collégiales), se tailler une niche par l’offre de cours tirés de leurs programmes techniques (un peu comme la formation professionnelle), et mettre en valeur la qualité de leur instruction et leur projet éducatif par des cours des programmes préuniversitaires.  Ils pourraient aussi offrir des cours en guise d’introduction, pour que les étudiants potentiels aient une meilleure idée des programmes dans lesquels ils envisagent d’étudier.  Les universités américaines offrent surtout des cours d’introduction, plutôt qu’approfondis.  Nous pourrions cependant offrir d’autres cours que les seuls cours d’introduction ;  reste à voir ce qui intéresse les étudiants.  Peut-être aurions-nous tous à y gagner, à offrir des cours gratuits en ligne ;  encore une fois, on pourrait n’offrir qu’une introduction, voire un cours complet que la réussite d’un examen, facultatif, écrit ou oral, permettrait de sanctionner de façon créditée.  J’ai remarqué, par ailleurs, aux États-Unis, que les institutions offrant des cours en ligne tendaient à offrir des cours touchant à de grands sujets qui intéressent le public (comme la politique internationale ;  l’UQAM en tient compte quand elle choisit les cours qu’elle offre aux étudiants libres à chaque session), des cours de mise à niveau et des cours de perfectionnement très précis s’adressant à des professionnels.  Bref, des cours analogues à certains que j’ai proposés.  Reste à voir si le marché québécois se comportera de façon semblable au marché américain.

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Les explorateurs, autrement

Quand j’ai commencé à travailler dans le milieu scolaire, j’ai vite compris que compétence rimait avec assimilation des principes imposés par le ministère aux établissements.  L’euphémisme serait d’écrire qu’il s’agit d’intégration professionnelle.  Mais il s’agit aussi de réduction de l’inventivité et de l’audace – bref, de la compétence et des résultats éventuels – des employés que les établissements scolaires absorbent.  Il serait souhaitable que ces organismes réussissent à mettre à contribution, plutôt qu’à réduire, les compétences de leurs employés, surtout dans un cadre tel que celui du renouvellement massif des employés des organismes scolaires, de la décentralisation de la formation professionnelle qui s’amorce (la mise au rancart des guides d’organisation, par exemple, la reconnaissance des AEP) et des nouvelles orientations ministérielles pour le collégial, dont j’ai abordé les principales conséquences dans ce blogue.

J’ai déjà travaillé, pendant un certain temps, dans un agence de recrutement d’étudiants.  Certaines personnes, notamment les gens qui ne font pas partie des équipes de direction des organismes, s’étonnent de l’existence de telles agences.  Eh bien oui, elles existent, comme il existe plein de métiers ombreux qu’on ne connaît pas.  Et je ne pense pas à celui de lobbyiste (…)  Là n’est pas mon propos.  J’avais, alors que je travaillais dans cette agence, un collègue ;  c’était un vendeur aguerri, de dix ans d’expérience, et que plus d’un employé du réseau scolaire jugeait contrariant, parce qu’il n’adhérait pas aux principes et procédures imposées par le ministère, et que nul ne contestait.  Mais il a osé, insistant qu’il fallait «think outside the box», c’est-à-dire se libérer de ces contraintes, envisager des solutions différentes.  Par son effronterie et sa hargne, il a aidé son agence à obtenir l’une des meilleures ententes de recrutement que j’ai vu dans ma carrière, par les clauses qu’elle contenait et les bénéfice qu’elle pouvait tirer de sa collaboration avec l’organisme scolaire qui avait signé l’entente.